Cours economique et récession dans les États-Unis d'Amérique

Dans la longue séance du lundi 2 juin qui se reliait à la réunion de Piombino, on a représenté aux participants les graphiques également utilisés dans les occasions précédentes; et depuis Ravenne, en répétant rapidement le sens de la recherche conduite avec leur aide.

Notre travail sur le capitalisme d'Occident prit son origine dans celui sur la structure économique et sociale de la Russie d'aujourd'hui, et même dans la publication du " Dialogue avec les Morts " faite par notre parti après le XX° congrès du parti communiste russe. Le centre de la discussion réside dans la négation radicale de la thèse selon laquelle le rythme rapide d'accroissement de la production industrielle russe pourrait être avancé comme preuve du caractère différenciant une économie socialiste d'une économie capitaliste. Avant tout la folie productive n'est pas une caractéristique du socialisme, mais elle appartient en propre au capitalisme. En second lieu les mêmes rythmes que ceux présents en Russie se retrouvent dans les économies capitalistes historiques dans les conditions suivantes : 1. quand il s'agit d'un capitalisme dans sa phase initiale d'origine. 2. quand ces capitalismes sont des capitalismes nationaux venus historiquement en dernier, quand la technologie industrielle avait connu, dans les pays où le capitalisme avait apparu en premier, d'importants progrès qui se trouvent mis à la disposition du " dernier arrivé ". 3. quand il s'agit du cycle de reprise après une puissante dépression ou une crise. 4. quand il s'agit d'un pays défait lors d'une guerre ou même profondément envahi et qui procède après la guerre à sa reconstruction productive.

Avec de tels critères nous avons présenté, comme c'est également connu des lecteurs du journal par le compte rendu détaillé en cours de publication, la marche des indices de la production industrielle pour sept pays : l’Angleterre, la France, les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la Russie. Nous avons montré que la " rapidité " russe des augmentations annuelles a été dans le passé présente également dans d'autres pays, au siècle dernier elle fut caractéristique du jeune capitalisme américain, et que de plus dans la reconstruction après la seconde guerre deux pays, l'Allemagne et le Japon, ont nettement devancé la Russie.

Sur les diagrammes qui représentent l'histoire de la production industrielle dans ces pays nous avons vérifié pour tous notre loi de la décroissance de l'augmentation. Au diagramme accidenté avec toutes les montées et descentes des indices annuels nous substituons la ligne brisée qui unit tous les sommets de maximum, c'est-à-dire les indices de ces années qui sont précédés et suivis d'indices immédiatement plus bas en choisissant le premier maximum de façon qu'il ne soit jamais inférieur au précédent. Cette ligne nouvelle qui évidemment fait abstraction des oscillations contingentes et secondaires divise toute la période étudiée en périodes de quelques années que nous appelons " périodes entre les maximums " Il est facile de déterminer l'augmentation totale et l'augmentation annuelle moyenne (constante) qui correspondent à chacune de ces périodes au moyen d'un petit calcul plusieurs fois expliqué. Déjà dans cette nouvelle série périodique on voit qu'en général le rythme annuel diminue historiquement. En choisissant des groupes de ces périodes de façon à avoir de longues périodes, la règle se vérifie plus clairement et enfin, en passant à de longs cycles, qui sont tous les mêmes, ou quasi les mêmes, pour tous les pays, on voit que la série des rythmes annuels présente toujours une diminution progressive.

Dans les premiers numéros cités du compte rendu sommaire le lecteur peut voir comment cette méthode est appliquée à l'Angleterre, aux États-Unis, à l'Allemagne, à la France et puis à la Russie – avec d'autres applications à la production mondiale, au commerce mondial, à la production de l'acier dans le monde, en Amérique, en Russie, en Italie, etc. -, il peut voir comment elle est toujours confirmée. D'autres groupes, même étrangers, nous ont envoyé d'heureuses élaborations avec le même résultat constant pour les indices de leurs pays.

De plus en affirmant que, historiquement, la Russie nous fait assister à la naissance de deux économies capitalistes industrielles différentes, la première sous le tsar jusqu'à 1914, et la seconde partant presque de zéro en 1926 (après deux révolutions, la guerre internationale et les guerres civiles) , on a détruit la légende selon laquelle la progression russe aurait été un fait inconnu dans l'histoire du capitalisme.

MENSONGE DANS LES CHIFFRES RUSSES ?

Pour des raisons évidentes de polémique vivante, nous avons travaillé depuis le début avec les chiffres russes officiels, et non seulement pour la Russie elle-même mais également pour les autres pays, chiffres tirés des discours quinquennaux de Staline, Malenkov et Khrouchtchev. A la réunion, on a fait allusion en passant à une critique de l'authenticité des données russes qui se trouve dans un opuscule édité par le Manchester Statistical Society. Une recherche plutôt pédante déduit une relation mathématique, elle-même déduite des statistiques des pays occidentaux, entre l'indice physique de la production industrielle et les indices de quelques marchandises de base : acier, combustibles, énergie électrique. La fonction déduite s'applique ensuite aux données russes puisque l'on possède celles de ces produits indiqués en recalculant avec la formule trouvée l'indice industriel général. La conclusion de cette recherche est que l'indice de 1955, si l’on choisit 100 pour celui de l'année 1928, est plus bas que l'indice officiel, 1210 au lieu de 2035, c'est-à-dire une diminution de 41,5 pour cent. Un tel écart très important est cependant moindre que celui trouvé par d'autres chercheurs occidentaux qui s'arrêtent à des années antérieures.

Dans notre tableau russe donné dans le n°18 de 1957, et auquel correspond le graphique exhibé, l'indice 4210 de 1956 (indice relatif à 1913 = 100) devrait être réduit à seulement 2460, avec une grave réduction de tous les rythmes d'augmentation donnés dans le tableau. Mais nous, nous ne tiendrons pas compte de ces conclusions des économistes anglais puisque notre thèse n'en a pas besoin. Ils ont cherché dans leur travail des comparaisons avec différentes périodes de différents pays industriels, mais sans aucune originalité dans leur conclusions, n'ayant rien su trouver de plus que l'exemple connu du dernier après-guerre en Allemagne et au Japon, et n'ayant pas énoncé l'influence de l'âge des capitalismes nationaux.

Les bourgeois occidentaux se sentent battus dans le domaine industriel si la production russe progresse plus que la leur, leur production actuelle surtout. A nous, peu nous importe de savoir qui est le plus rageusement capitaliste, ce qui nous intéresse est seulement la preuve qu'aucun des deux concurrents, même le russe, ne possède les stigmates du socialisme.

L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE

De cette dernière, notre compte rendu détaillé se préoccupe depuis longtemps, réordonnant et mettant à jour les nombreuses données fournies depuis les réunions de Cosenza, Ravenne et Piombino, lesquelles se sont déroulées dans le cycle où tout marchait au pas du " boom " (lire : boum !) tant vanté. Dans le journal cependant nous nous sommes mis à discuter du repli des indices qui a commencé à l'automne 1957, et de la question, débattue dans toute la presse mondiale, de savoir s'il pouvait s'agir d'une crise analogue à la crise colossale de 1929-32, ou plutôt d'une petite " récession " qui aurait tout au plus pu être comparée aux récessions récentes des années 1944, 1949, 1954 ; phases qui ont toujours été illustrées dans nos expositions.

Nous avons, lors de la préparation de cette réunion, et même si l'aide des camarades les plus efficaces nous a manquée pour des raisons de force majeure, effectué un grand travail de recueil des données de l'économie américaine. Le plus souvent, dans le journal (à part le grand tableau de la production industrielle qui partait de 1827) , nous nous sommes référés à la période qui partait de 1929, mais pour la comparaison dont nous discutons aujourd'hui il était nécessaire de connaître le cours qui précédait le maximum atteint justement en 1929 et qui fut suivi du précipice. En ayant recours donc à des publications de statistiques historiques nous avons cherché à remonter avec les données le plus loin possible. Les sources principales ont été, parmi de nombreuses autres, au nombre de trois. Pour les années et les mois récents la revue anglaise Economist. Pour la période plus moderne, " The Economic Almanac 1956 " du " Conference Board " édité par la Th. Y. Crowell Company à New York. Enfin, pour les années précédentes, la publication d'État " Historical Statistics of the United States 1789-1945 ", supplément du périodique Statistical Abstract du Bureau of Census.

Avec un tel matériel deux grands tableaux et deux grands graphiques en couleur furent formés. L’un des tableaux et l’un des graphiques procèdent année par année, et initialement décennies par décennies, ils s'étendent de 1790 à 1956. Chacun des deux autres présente les données mensuelles de janvier 1956 aux derniers mois disponibles (mars 1956) et se relie aux données des quatre années 1954, 1955, 1956 et 1957.

On a fourni aux auditeurs la présentation de toutes les colonnes verticales de données et, de façon particulière, de celles qui figurent également sous forme graphique avec des lignes de couleurs déterminées, en donnant la priorité au tableau historique par rapport à celui des données mensuelles récentes qui permettait de mieux fonder les prévisions pour l'avenir immédiat. Graphiquement ce second tableau, par ses petits écarts au-dessus et au-dessous, apparut de lecture facile puisque les différentes lignes brisées ne se superposaient ni ne se croisaient, alors que, dans le tableau des données annuelles du XVIII° siècle, la lecture, au moins à partir de l'année 1913, devenait laborieuse à cause des très fortes oscillations des différents diagrammes qui, pour tous les indices en général, se condensaient autour des périodes des deux guerres mondiales et de la période intermédiaire de la grande crise de l'entre-deux guerres. Une telle complication s'étend également à l'époque actuelle qui suit la deuxième guerre mondiale, et qui a connu les petites crises bien connues.

Les personnes présentes suivirent avec beaucoup de zèle la présentation des différentes grandeurs économiques montrées par un camarade sur le tableau numérique et par un autre le long de la ligne brisée correspondante du tableau graphique en couleurs.

LES GROUPES DE GRANDEURS

Les premières colonnes à gauche du grand tableau annuel sont consacrées au territoire et à la population. On y trouve les données de la densité en habitants par kilomètre carré de la population urbaine et de la population rurale, de la partie de cette dernière qui habite ce que l'on appelle les farms, fermes agricoles isolées loin des agglomérations. Une colonne très importante reflète le volume de l'immigration de tous les pays du monde. Les chiffres et les différents diagrammes font assister à la croissance d'abord lente puis irrésistible de la population de l'immense territoire situé entre les deux océans. Il suffira ici de dire que la population (en mettant à part les colonies d'outre-mer) passe de moins de 4 millions en 1730 à 173,4 millions en mars dernier. La densité croît également beaucoup mais, comme nous l'avons déjà dit dans le compte rendu, si ses derniers chiffres sont bien comparables aux chiffres russes, ils sont très bas comparés aux chiffres européens. Aujourd'hui les destinées du monde semblent ne plus être entre les mains des peuples les plus denses (Angleterre, Allemagne, ...) mais entre celles des peuples les moins denses comme ceux d'Amérique et de Russie, si l'on ne tient pas compte de l'avancée de la dense Chine. La densité moyenne partie de chiffres bas n'a pas atteint aujourd'hui plus de 22 habitants par kilomètre carré.

Un diagramme très intéressant est celui du rapport entre la population agricole et la population totale. Il était de 95 pour cent en 1790 mais il a toujours descendu et il est aujourd'hui d'à peine 36 pour cent, puisque 64 pour cent, à la place des 5 pour cent d'alors, vivent dans les villes de plus de dix mille habitants, donnant ainsi une mesure éloquente de l'urbanisation terrifiante qui a rapidement rejoint et laissé en arrière tous les phénomènes de l’ancien monde.

Une première courbe qu'il est intéressant de suivre historiquement, étant donné qu'elle se ressent de tous les grands événements mondiaux de façon évidente, est celle du nombre annuel d'immigrés de toutes les origines. En 1820 ils furent seulement 8000, et leur nombre crut rapidement jusqu'à 370 000 en 1850. Ce nombre décrut à cause de la crise de la guerre de Sécession mais en 1870 ils étaient 387 000 et à la fin du siècle ils arrivaient au rythme de 450 000 par an. Pendant la décennie de paix, de 1900 à 1910, le flux venu de l'Europe vers l'Amérique fut énorme, atteignant un maximum en 1907 de 1 287 000 unités.

En 1914 le nombre d'immigrés était encore élevé, 1 200 000, mais il s'effondre de 1915 à 1918, année de la fin de la première guerre mondiale, avec seulement 111 000. La paix entraîne une violente reprise, jusqu'à 805 000 en 1921, mais au cours de cette année éclata cette violente crise capitaliste qui fit espérer en la révolution en Europe : en 1922, les immigrés furent seulement 201 000 pour remonter à environ 700 000 en 1924. De cette année à 1929 l'économie américaine est prospère, mais en Europe également le capitalisme se reprend. Le gouvernement américain, tout comme certains gouvernements européens (particulièrement le gouvernement italien qui étrangle la puissante émigration à partir de 1922) , applique une politique de contrôle du flux migratoire et, en 1929, on descend à 280 000 immigrés aux États-Unis. En 1930 ils sont encore 242 000, mais la terrible crise déterminera un blocus quasi total. Le nombre d'immigrés descend jusqu'à 1936 année où l'on compte l’entrée d’à peine 35 000 individus. Durant la seconde guerre on oscille autour d'un pareil ordre de grandeur, avec un minimum de 24 000 en 1943. Une fois la guerre finie on admettra des quotas d'immigrés très bas, et l’on a un maximum avec 266 000 unités en 1952, puis une baisse s'ensuivit. Les deux grandes guerres dans lesquelles l'Amérique a fait des affaires énormes en profitant des mésaventures de l'Europe ont historiquement mis fin à la possibilité de reverser outre océan une surpopulation du vieux continent, exceptés des quotas négligeables difficilement admis d'année en année. Et c'est là l’une des conditions de la prospérité dont on nous casse les oreilles.

PRIX ET MONNAIE

Chiffres et courbes démontrent la croissance continue des prix et la chute conséquente de la valeur réelle du dollar considéré de façon erronée par le grand public comme une monnaie stable avec une parité-or. Entre 1790 et 1957, les prix de gros en général ont triplé, et ceux agricoles ont plus que triplé, confirmant fidèlement la famine alimentaire au sein de la production capitaliste. Les prix au détail, en prenant 100 comme indice pour l'année 1913, sont aujourd'hui pour tous les articles à l'indice 268 ; pour les articles alimentaires à 282. On avait marqué la ligne de variation du pouvoir d'achat du dollar, déduit des prix au détail (il y a d'autres moyens de le déduire en tenant compte également des prix de production ou des prix de gros) , en prenant également pour cette grandeur l'indice 100 pour l'année 1913. La première donnée à notre disposition est celle de 1820 : 154, c'est-à-dire une valeur du dollar bien plus grande que celle de 1913. Mais le maximum vient après : 184 en 1830 et en 1850. En 1870 on est descendu à 110, et après de faibles augmentations en 1880 l’on est arrivé à 100 en 1913. Depuis lors la perte de valeur du dollar ne s'arrête pas. La première guerre divise sa valeur par deux : en 1920 il est à 51,1. En 1929 il est péniblement remonté à 60,0, mais avec la crise des années suivantes on a un phénomène intéressant. Il s'agit d'une violente crise de surproduction, et donc de bas prix ; ce qui pour la société et l'humanité qui travaille serait une chance est pour le monstre capitaliste pathologie et mort. Tout, selon les autres indices que les tableaux présenteront, va à la ruine, mais le pouvoir du dollar croît. Dans les années qui suivent 1929 on a la série suivante : 60,6 ; 62,7 ; 69,8 ; 88,2. La descente des prix correspondante, si nous prenons les prix de gros dans l'agriculture, est encore plus marquée : 141, 118, 90, 74, c'est-à-dire 26 points sous le 100 de la sereine année 1913 !

Mais une fois venue la seconde guerre la chute du dollar reprend et rien ne l'arrêtera plus : depuis lors tous les prix montent et ils le font toujours. En 1939 le pouvoir d'achat s'était stabilisé à 72,4 après la hausse de la grande crise, mais en 1944 on est tombé à 56,7. Et depuis lors la chute est continue, sans reprise. En 1957 le pouvoir d'achat est à l'indice 37,2, un peu plus du tiers de celui de 1913, un peu plus du septième des maximums historiques de 1830 et 1850.

Si pour cette donnée l’on passe au tableau des données mensuelles récentes, l’on verra que la crise qui se profile n'est certes pas une crise de bas prix, et qu'elle diffère pour cela radicalement de celle de 1929. En effet le pouvoir d'achat du dollar de 1954 à 1957 a été de 39,0 ; 39,1 ; 38,5 ; 37,2 et en mars 1958 il est encore en baisse : 36,3. Comme nous l'avons déjà montré dans notre compte rendu, il n'y a aucun parallèle avec les effets de la supercrise de 1929.

EMPLOI ET SALAIRES

Les tableaux ont donné les chiffres de la force de travail, de l'emploi, du pourcentage des chômeurs, du salaire hebdomadaire moyen en dollars courants et en dollars constants (valeur réelle) . La courbe du chômage en 1929 monta de façon effrayante alors qu'aujourd'hui elle monte certes également mais de façon nettement moins marquée (voir les derniers numéros de Programma) . On doit cependant noter que les pourcentages de chômeurs des derniers mois, qui sont officiellement depuis janvier 5,8, 6,7 et 7,0, en vertu de l'ajustement saisonnier, sont en fait, au moyen du calcul direct, 6,7, 7,7 et 7,7. Après la réunion on a annoncé le chiffre d'avril qui se serait amélioré et serait aux alentours de 5 pour cent, chiffre comparable à celui de la légère crise de 1954. Dans la grande crise de 1929, on aurait eu des pourcentages de l'ordre de 18,9, 23,7, 24,7 et l’on descendit doucement en 1941 à 10,6. Ce sont les guerres bestiales en Europe qui ont porté à zéro le chômage des ouvriers américains. En 1944 on a atteint le minimum de 1,2 pour cent. Dans la première guerre, on était parvenu, par une espèce de paradoxe statistique dans le calcul de la force de travail totale et civile, à un chiffre négatif ! Dans la crise de 1921 on atteignit encore le taux de 11,2 pour cent. Les chiffres d'aujourd'hui ne sont donc à la hauteur ni de la grande crise d'entre les deux guerres ni de celle de 1921 ou de celle de 1941, situation de veille de guerre.

Quant à ce qui concerne ensuite le montant du salaire, on doit noter qu'il est très difficile dans les statistiques américaines de démêler d'abord les salaires des ouvriers (wages) des revenus des employés (salary) , puis de distinguer les ouvriers qualifiés (skilled) de ceux qui ne le sont pas. On n'a qu'une donnée générale qui s'est réduite par la mesure en monnaie générale à celle en monnaie réelle.

Le salaire en dollar semble avoir cru fabuleusement dans le temps : de 4,70 dollars par semaine en 1860 à 11,01 en 1914, puis à 82,39 en 1957. C'est là-dessus que se base toute la rhétorique sur la prospérité croissante et sur la disparition des différences de classe en Amérique. Mais il suffira de passer aux salaires réels pour voir les choses tout autrement : 7,70 en 1860, 10,90 en 1914, 30,60 en 1957. La comparaison aurait été plus significative si au lieu de l'indice des prix généraux l’on avait utilisé celui des prix alimentaires ; mais on nous aurait répondu que la dépense d'argent pour la nourriture est la dépense la moins importante du travailleur américain qui recherche surtout des biens de consommation " durables " !

Le cours récent du salaire réel mesuré en dollars de 1955 a été dans les quatre dernières années le suivant : 71,65, 76,53, 78,60, 78,50. La baisse s'est accentuée dans les premiers mois de 1958 : 76,15, 75,50, 74,80.

Il faut rappeler que dans les années de grandes crises, entre 1928 et 1933, le salaire réel moyen se tint fermement à ses 15 dollars, alors que si l'on avait considéré celui des travailleurs manuels et si on l'avait réduit à la seule nourriture, on aurait certainement une hausse. La crise d'alors était une crise de chômage et de bas prix ; la grande crise qui viendra dans quelques années apportera les malédictions de la folle surproduction et de la menace de guerre : chômage et hausse impitoyable des prix. Aujourd'hui on plaisante encore mais déjà les théories du plein emploi et du bien être tremblent sur leurs fondements.

LA PRODUCTION INDUSTRIELLE

Nous renvoyons les lecteurs diligents chercher ailleurs le commentaire historique à la variation des indices de la production totale, dont le sens général est qu'elle répand l'euphorie en Amérique quand elle répand la mort en Europe, excepté le fait que dans la juste plongée effrayante de la grande crise de l'entre-deux guerres, le mouvement de la courbe ne s'était pas vu en 1921 et ne s'est pas encore revu ni en 1943, ni en 1949, ni en 1954 ni encore moins en 1958.

Nous donnerons seulement les résultats des derniers mois et des dernières années. Depuis 1954 : 125, 139, 143, 143. Pour les premiers mois de 1958 : 133, 130, 128. L'origine est 100 pour 1947-49.

Le mouvement pour 1929-33 fut au contraire : 59, 49, 40, 31. Chute de 47 pour cent, et de 17 pour cent lors de la première année, contre 7 ou 8 pour cent calculable aujourd'hui (voir dans les numéros précédents) .

Parmi les données les plus importantes fournies à la réunion il y a l'indice des biens durables et non durables, la production d'acier et celle de la construction immobilière à laquelle nous allons consacrer notre attention un moment.

En 1915 on construisit pour seulement 3 milliards de dollars. Après les affaires de guerre les Américains construisirent pour 12 milliards de maisons en 1926 et en 1927. Le chiffre descendit à trois milliards à nouveau lors de la grande crise, puis remonta jusqu'à 14 en 1942, redescendant à presque 5 en 1944 et 1945. Depuis lors il croît toujours, jusqu'au maximum de 47,3 en 1957. Véritable destrier de bataille de la théorie du bien-être ! Les dernières données sont depuis 1954 : 37,8, 43,0, 44,2, 47,5. Dans les premiers mois de 1958, rapportés à l'année, on a en milliards 48,4, 48,3, 48,1. Il n'y a pas de cesse à la folie du domicile familial, du home américain, du kolkhozianisme urbain en émulation avec celui, pour l'instant et peut-être pour toujours seulement rural, des Russes ! Téléviseur, réfrigérateur, machine à laver la vaisselle et automobile contre vache, porc, poules et lapins.

Idolâtrie dans l'un et l'autre cas de la propriété de la famille et de l'État ! Le dernier complice de tous les " capitalismes du peuple " vantés de chaque côté des deux rives.

LE BUDGET NATIONAL

Trois colonnes du grand tableau des données américaines, et trois lignes correspondantes sur le graphique en couleurs, montraient les variations de cette grandeur que l'on appelle le produit national brut, dont la croissance est continuellement vantée comme preuve des miracles bénéfiques de la forme capitaliste d'outre-Atlantique. Avec les réserves de l'analyse critique rappelons que cette grandeur exprime, en valeur monétaire, la somme du produit de toutes les activités économiques en une année de laquelle, avant la distribution aux ayants droit et aux ayants revenu, doit encore être déduite la valeur des amortissements, c'est-à-dire le remplacement ou la remise en état des installations et de la machinerie (capital fixe) usées durant l'année, pour les remettre en cet état d'efficience qui était le leur au début du cycle annuel.

Une première série de données nous fournit la valeur en dollars courants, et ce produit national brut a un rythme de croissance véritablement impressionnant si nous le prenons en tant que tel. En survolant brièvement les " chutes " de cet indice qui adviennent dans les guerres et dans les périodes de crise – pour lesquelles les lignes brisées font, tout particulièrement à partir de 1913, une danse qui ressemble à celle de l'indice de la production industrielle – nous relevons que, en milliards de dollars courants, notre gross national product qui s'élevait en 1910 à seulement 35, a atteint en 1957 le maximum de 434. Le chiffre a été multiplié par 12,4. Il n'est pas correct de dire qu'un tel rapport (avertissement que nous faisons une fois pour toutes) a augmenté de 12 fois et demi, parce que les expressions exactes sont au contraire celles-ci : de 35 à 434 le produit a crû de 399 milliards de dollars, il a subi une hausse de 399, il a augmenté de 399 - ou alors : le produit de 1957 vaut 12 fois et demi le produit de 1910. Cette augmentation qui apparaît effroyable est atteinte, dans les 47 années dont nous traitons, avec une augmentation moyenne constante de 5,5 pour cent.

Nous sommes cependant encore face à une apparence. Si nous avons recours à des dollars non courants (comme éléments déjà à notre disposition) la même variation déjà traitée se modifie. De 86 milliards de dollars on passe à 345 dans la période 1910-1957. Le rapport de 12,4 est descendu à seulement 4. L'équivalence est en dollars de 1947 et a été donnée par la statistique officielle américaine. Avec notre colonne de la valeur du dollar on a un résultat peu différent.

Mais il y a encore une autre donnée à considérer pour le budget, celle de l'augmentation de la population par laquelle, à égalité de puissance productive, le chiffre devrait croître par le seul effet de l'augmentation de la population. La troisième grandeur est donc le produit moyen en dollars constants, par habitant. Dans ce troisième cas, qui donne véritablement un indice réel, l'évolution dans les 47 années considérées est de 934 à 2000 dollars par habitant, c'est-à-dire qu'on assiste à un peu plus du doublement. Le multiplicateur qui était descendu de 12,4 à 4 descend encore à seulement 2,15 qui est la véritable mesure de l'augmentation de la puissance économique américaine. Avec un tel rapport le rythme annuel moyen de développement apparaît comme assez modeste : seulement 1,6 pour cent contre 5,5 pour cent tout d'abord calculé avec les chiffres apparents.

REVENUS ET TRAVAIL

Nous n’avons pas indiqué les correspondances en monnaie constante et par habitant de la colonne qui indique le revenu national puisque les conclusions auraient été les mêmes que celles exposées précédemment. Nous avons rapporté en revanche la grandeur que les statistiques américaines appellent Labor Income c'est-à-dire revenu de travail. Il y aurait beaucoup à dire pour critiquer cette unité en laquelle on confond les gains des employés qui sont en haut de l'échelle sociale avec ceux des employés qui sont en bas de cette même échelle, les gains des travailleurs qualifiés avec ceux des travailleurs manuels, sans possibilité de les distinguer, encore moins que dans le Farm Income, ou revenu de l'agriculture, dans lequel on se demande comment sont distingués les revenus du travail, du capital et de la propriété. Comme nous le verrons cependant un tel revenu est très bas et son rapport au total devient encore plus bas.

La totalité du revenu national, sans prendre en compte la valeur du dollar et de la population, croît de 1910 à 1957 de 30 à 347 milliards, c'est-à-dire qu'il est multiplié par 11,6, à peu près comme le produit brut. Le susdit revenu du travail croît en revanche de 18 à 243 milliards, c'est-à-dire qu'il est multiplié par 13,5, ce qui n'est guère plus. Sans tenir compte de la critique que nous avons faite, l’on peut trouver ici un certain indice de la répartition du produit entre les classes qui n'a guère changé en un demi siècle malgré la prétention selon laquelle l'économie spéciale des États-Unis aurait comblé la différence entre les classes – laquelle doit pourtant être anéantie par des opérations bien différentes. En d'autres termes on pourrait dire qu'en 1910 les travailleurs en général eurent 18/36 du total, c'est-à-dire 60 pour cent – et dans la fabuleuse année 1957 seulement 70 pour cent, c'est-à-dire 243/347.

Un tel rapport est quasi le même en mars 1958, comme il ressort des données mensuelles de notre second tableau : 241/341,4 – avec une très légère augmentation. Qu'en était-il – toujours si nous nous en tenons aux chiffres officiels - dans l'année de crise 1930 ? Le rapport se maintenait alors quasi constant autour de 60 pour cent, ce qui signifie que la crise capitaliste ne change pas la condition du duel de classe, et montre combien sont idiots les " communistes " italiens d'aujourd'hui qui prétendent obtenir du nouveau gouvernement des mesures utiles pour arrêter le danger de la récession économique ! Ces gens ont le cancer révisionniste dont la meilleure symptomatologie est la manie de trouver toujours quelque chose à défendre. La thèse marxiste centrale est celle-là : la crise fait trembler le bourgeois, elle réjouit le prolétaire !

COMMERCE INTÉRIEUR ET COMMERCE EXTÉRIEUR

La dépense totale des consommateurs, entre 1910 et 1957, a crû de 29 à 284 milliards de dollars courants, c'est-à-dire a été multipliée par 10. Cette grandeur subit également des oscillations pendant les crises et les guerres, mais c'est une chose remarquable que durant la seconde guerre mondiale elle a toujours augmenté, il en fut de même durant la première guerre. Seules les crises de 1921 et 1930 imposèrent un recul drastique à cette donnée économique. Dans les derniers temps cet indice, qui pour les experts d'Amérique est le véritable thermomètre de la crise, a reculé de façon seulement infime, en chiffre nominal, 284,4 au quatrième trimestre de 1957 (maximum absolu) , 284,0 au premier trimestre 1958.

Un indice qui, à ce propos, est de grand intérêt, est celui des ventes à crédit qui servent aujourd'hui à rendre élevées les dépenses du consommateur, première source de florissant business ! En 1954 un tel chiffre fut de 30,13 milliards pour s'élever en 1957 à 44,78 ; 44 pour cent en trois ans ! En 1958 il a seulement légèrement décliné : 43, 97, 43,04, 42,56, comme dans le tableau mensuel.

Pour faire un examen historique plus étendu nous disposons seulement des chiffres de cette part de la dépense à crédit qui se rapporte à l'installment, c'est-à-dire aux installations de services divers dans les habitations, machines domestiques, etc. Un tel chiffre était pratiquement nul il n'y a pas encore très longtemps. Dans la florissante année 1939, les commerçants ne firent crédit que pour 0,34 milliard. En 1933, au cœur de la crise, ce chiffre était descendu à 0,17 (170 millions) , mais depuis lors commence une course folle. 1941 : 0,59 ; 1949 : 11,52 ; 1954 : 22,47 ; 1957 : 37,11. Ce chiffre a très peu reculé dans les premiers mois de 1958. On trouve ici un autre des motifs que les optimistes ont invoqué récemment. A notre avis il est toujours certain qu'il ne s'agit pas encore du moment où s'ouvre le gouffre de la véritable crise de la structure capitaliste.

Ensuite les chiffres du commerce international permettent eux aussi très bien de suivre le cours de l'économie américaine comme nous le fîmes sur les tableaux et les graphiques. Celui de l'exportation nous intéresse particulièrement. La donnée de 1790 était seulement de 20 millions de dollars. Depuis 1880 la parité de la balance commerciale a été déséquilibrée : les États-Unis importent pour 790 millions de dollars et exportent pour 840. Par la suite ils seront toujours bénéficiaires et en 1910 ils exportent pour 1,9 milliards. Prévoyons qu'en 1957 il s'est agi de 20,6 milliards avec un facteur 11,4 conforme aux autres des 47 années. Au fond l'Amérique est le consommateur de sa propre production pour plus de 90 pour cent.

Les guerres en Europe ont fait croître également cet indice : en 1914 on atteint 2,1 milliards, on atteindra 8,2 en 1930. En 1922 on tombe à 3,8, et en 1929 on est remonté à 5,2. Mais les effets de la grande crise sont ici terrifiants : en 1933 on exporta seulement 1,6 milliards, chiffre plus bas que celui de 1910 !

La seconde guerre mondiale est l'habituelle bonne affaire : en 1944 on arrive à 14,3 milliards, chiffre qui recule un peu jusqu'à 1946 avec 9,7. Mais depuis lors l’on monte jusqu'à atteindre le sommet de 1957 cité : 20,6 milliards.

Ici il est instructif de compulser le tableau mensuel dans lequel sont donnés les chiffres par mois. Pour l'année 1957 on donne l'indice mensuel de 1,710. Mais déjà en décembre 1957 le chiffre a été 1,626, donc en janvier 1958, 1,495 et en février 1,334. Il semble donc un indice sensible d'un repli économique, mais nous notons que l'exportation réduite dépasse toujours l'importation. Ce qui fut le cas du reste également lors de la grande crise.

Si nous étions ici pour donner une mauvaise note à charge de la florissante économie américaine et si cela suffisait à faire sur son compte de mauvais pronostics, elle aurait facilement recours à un puissant sauveur : le citoyen Nikita Khrouchtchev.

En effet le 3 juin l'ambassadeur soviétique à Washington, Mentchikov, a remis au département d'État un message de Khrouchtchev à Eisenhower " dans lequel le chef du gouvernement soviétique sollicite l'ouverture de nouveaux échanges commerciaux avec les États-Unis et déclare que l'U.R.S.S. est disposée à acquérir des installations industrielles et des machines outils de production américaine. "

Ce texte paraît au moment même où une grêle de " réformes de structure " s'abat sur la Russie, à la fois dans le commerce extérieur, dans le commerce intérieur, sur la base des " libres contrats " dans lesquels la dynamique du prix traité, " véritablement économique ", règle les achats de l'État – achats qui ne sont plus (horreur !) obligatoires en quantités et soumis à certaines conditions - avec les kolkhozes et les paysans kolkhoziens ; les ventes de l'État aux kolkhozes des machines et des tracteurs, ainsi que les acquisitions des " coopératives de consommation ", font circuler avec des passeports légaux dans les horizons du " monde socialiste " toute une gamme de souverains acteurs du libre échange. Depuis que le marxisme révolutionnaire est né a-t-on déjà senti une odeur de révisionnisme plus fétide ?

Quant à l'Amérique, en offrant de lui acheter des machines pour l'industrie chimique et des matières plastiques, on lui donne envie de pouvoir investir de grands capitaux avec une offre que l'on présente dans le texte de l'Unità comme " du plus haut intérêt pour l'industrie américaine de machines outils, laquelle se ressent fortement de la récession économique en acte dans le pays où les investissements dans les nouvelles installations ont fortement diminué par rapport à l'année écoulée. "

Celui qui en est arrivé, en suivant les préceptes du père Staline, à l'équation blasphématrice : socialisme égal libre échange mercantile, peut bien arriver à l'autre non moins sacrilège : socialisme égal encouragement à l'investissement de capital.

ÉCONOMIE PRIVÉE ET ÉCONOMIE D'ÉTAT

Les colonnes de chiffres et les diagrammes ont également présenté, dans les tableaux montrés à la réunion de Turin, le cours du budget de l'État dont ont été donnés les chiffres des dépenses et ceux du solde, budget presque toujours positif, alors que l'autre colonne se réfère au montant de la dette publique, née dans les périodes où les crises et les guerres ont produit des déficits importants du budget fédéral (Les chiffres des budgets des États confédérés et d'autres organismes publics n'ont pas été ajoutés) .

Le cours des dépenses de l'État est véritablement historiquement suggestif, et nous souhaiterions pouvoir le donner pour quelques-uns des États européens, alors que pour l'État russe nous avons longuement traité le thème de l'analyse de la structure économico-sociale soviétique, que nous concluions par notre féroce refus marxiste de la thèse absurde selon laquelle socialisme signifierait augmentation de la mesure monétaire de l'activité de l'État.

Les dépenses de l'État fédéral américain en 1790 étaient véritablement dérisoires : quatre millions de dollars, si pour un moment nous pensons que nous en sommes aujourd'hui à 70 milliards, alors ce que nous avons défini comme le facteur multiplicateur s'élève à 17 500 (dix-sept mille cinq cents) . En 1910, pour fixer les idées, la dépense de l'État fut de 693 millions de dollars, ce qui fait qu'entre 1790 et 1910, en 120 ans, le multiplicateur est 175, alors qu'entre 1910 et 1957, en 47 ans, il est égal à 100. Nous aurions donc trouvé un indice qui accélère sa course mais nous le refusons lui aussi comme mesure de la dose de socialisme dans l'économie, puisque l'Amérique est avant tout le triomphe de l'antisocialisme, et de plus nous nions qu'une mesure commune aux deux modes de production puisse exister.

Partons de ces timides 4 millions de l'Uncle Sam et nous les verrons croître peu à peu jusqu'aux 63 millions de 1860. Mais en 1870, par effet évident de la guerre de Sécession, nous avons un saut à 309. Continuons à monter jusqu'aux 734 millions des dépenses étatiques américaines en 1916, et la bombe éclate avec l'intervention dans la guerre en Europe. Nous devons passer du million au milliard et, en 1917, le chiffre est de deux milliards de dollars. Préparez-vous à entendre les chiffres des années 1918 et 1919 (on voit le diagramme s'envoler vers le haut !) : 12,7 et 18,5 milliards.

Chacun s'attendra à ce que, une fois la paix venue, les dépenses de l'État diminuent. Mais elles ne reviennent pas à l'ordre de grandeur d'avant-guerre qui était sous le milliard, mais à 6,4, 5,1 et enfin à une dépense quasi constante de 3 milliards annuels jusqu'en 1929.

Lors des deux années de dépense maximale il y eut un déficit qui forma la dette imposante de l'État. En 1910 celle-ci s'élevait à presque un milliard, alors qu'en 1919 elle s'éleva à 26 milliards, par la suite elle diminua légèrement.

Nous avons maintenant un indice d'un nouveau genre puisque dans la crise classique de temps de paix il ne recule pas. En fait l'État pour lutter contre les conséquences de la crise n'a rien de mieux à faire que de se mettre à dépenser et à faire d'autres dettes, en relation à la politique du New Deal. En 1929 la dépense publique est de 3,3 milliards et la dette de 16,9 ; en 1934 à la sortie de la crise l'État dépense 6,7, le double, et est endetté de 27,1, un peu moins du double.

Voyons maintenant les effets de la seconde guerre, jusqu'au début de laquelle le potentiel économique de l'État croît encore : en 1933, dépense 8,9, dette 44,4. Cependant le second saut de ce digramme sera bien autre dans les années de guerre. Si nous partons de 1940 les chiffres des dépenses sont, en arrivant à 1945, les suivants : 9,1, 13,3, 34,0, 79,4 (!) , 95,1 (!) , 98,4 milliards ; et les chiffres de la dette nationale deviennent effrayants : 43, 49, 72,4, 136,7, 201,0, 258,7.

La paix mondiale revient une seconde fois, mais le cours est irréversible. Les dépenses diminueront dans les années suivantes mais on ne parlera plus de chiffres comme ceux des années d'avant-guerre qui ne connaissaient pas les dizaines de milliards. En 1948 on aura un minimum de 33 milliards, mais par la suite la série recommencera à monter. En 1953 on atteint un nouveau sommet, à la suite de la guerre de Corée, avec 73,4 milliards, et aujourd'hui nous sommes stabilisés à 67 milliards, avec 69,8 milliards en 1957. Entre temps la dette publique à laquelle le président voulait donner un plafond de 275 milliards atteint ce dernier avec notre dernière donnée de 1955 : 274,4 milliards.

Qu'est-il advenu dans notre tableau mensuel ? La dépense mensuelle moyenne de 1957 est de 5,8 milliards. Le mois d'octobre a donné un maximum de 6,7. Les dépenses des mois suivants ont été : 5,8, 5,8, 6,0, 5,5 et 5,7.

Prospérité ou crise, c'est un fait que la dépense de l'État est un phénomène que l'on ne peut contenir, et il ne sert à rien d'argumenter que si elle déborde la monnaie se dévalue et qu'une crise d'inflation approche. L'État capitaliste est impuissant à freiner des développements semblables, même si on y met un tandem de haut niveau comme celui Eisenhower-Khrouchtchev !

INDICE D'ÉTATISATION

Il est clair que si, nous également, nous transformions la série en dollars à valeur constante et en dollars constants par habitant, la croissance de la dépense et du passif de l'État serait moins irrésistible. Mais à ceci pourvoit, dans l'exposition à la réunion de Turin, un nouvel indice formé par nous et un nouveau diagramme qui le représente fidèlement. Il s'agit du rapport calculé année par année entre le chiffre de la dépense de l'État et le chiffre de toute la dépense nationale pour lequel, par simplicité, nous avons pris celui du revenu national, de façon à avoir notre indice – pour la recherche duquel nous nous étions posé le problème depuis de nombreuses années déjà – à partir de 1800.

A cette époque du capitalisme hyperlibéraliste, naissant et patriarcal, notre rapport était très bas, autour d'à peine un pour cent.

Un tel indice d'étatisation économique est poussé par la guerre de Sécession à 4,4 pour cent, mais il redescend par la suite et lors de l'idyllique belle époque il se maintient à deux pour cent et même, dans la fatale année 1916, à 1,7. Nous sommes au premier tremblement de terre, et les nombres sont plus éloquents que les mots ou que les tons des voix.

1917 : 3,7 ; 1918 : 20,1 ; 1919 : 27,2. A la fin de la guerre l'État a occupé à peu près un tiers du mouvement économique ; avec la paix on note une diminution mais on ne reviendra plus à l'indice d'avant-guerre. Les manifestations d'impérialisme n'existent pas seulement en temps de guerre mais également en temps de paix. Une série décroissante nous porte du 9,1 pour cent en 1920 au faible 2,3 de 1925 qui est un minimum. On monte ainsi à presque 4 pour cent d'étatisation jusqu'à 1929. Pour ce phénomène guerre et crise concordent dans leurs effets. L'étatisation économique repart et en 1932 elle est déjà à 9,4 pour cent. De 1934 à 1941 l'indice s'est fixé à presque 12 pour cent, mais la nouvelle guerre en provoque un nouvel envol. 1942 : 27,4 ; 1943 (l'économie étatique est majoritaire par rapport à l'économie non étatique)  : 55,0 ; 1944 et 1945, encore plus : 58,5 et 61,2. En 1946 la descente commence avec 36,0 pour cent et 1948 présentera un nouveau minimum : 15,8 qui cependant est le quadruple du chiffre de 1929. Depuis lors avec de légers écarts on remonte encore et après un maximum de 26 pour cent d'étatisation qui caractérise (voir ci-dessus) l'année 1953, le taux se fixe aux alentours de 20 pour cent : les dépenses de l'administration d'État sont à peu près un cinquième de toutes les dépenses sociales, là où, avant les deux guerres, elles étaient au-dessous d'un cinquantième, c'est-à-dire dix fois moins importantes.

Indiscutablement c'est là-dessus que s'appuie la distinction entre capitalisme libéral et capitalisme monopoliste, à propos de laquelle il y a beaucoup à clarifier du point de vue économique, historique et politique, en restant fermement avec Marx et Lénine et avec la thèse à laquelle nous travaillons ici sur une vaste échelle et selon laquelle les lois essentielles du capitalisme sont les mêmes dans ces deux phases.

LES ENTREPRISES CAPITALISTES

Les dernières séries de données regardent de près la puissance du capitalisme d'entreprise, et cette illustration n'est qu'une brève présentation comme on le fit à la fin de la troisième séance de la réunion. Les indices qui nous intéressent ici concernaient la masse des ventes des produits industriels, ou sales en langue économique anglaise, qui, comme nous l'avons toujours averti, est analogue à notre terme italien fatturato . En rapport à celui-ci (voir également les dernières livraisons du compte rendu détaillé, et particulièrement dans le n°10) on considère les profits totaux, bruts, c'est-à-dire avant que ne soit faite la déduction des taxes, et nets, c'est-à-dire après la déduction des taxes. Un indice également important est celui des titres cotés en Bourse, dont quelques-uns sont à notre disposition (composite index) , déduits par les bureaux économiques de la bourse à partir des actions des sociétés les plus puissantes.

Sur ces indices les effets des guerres et des crises sont différents. La cotation des actions subit avec la véritable crise des secousses puissantes, et quand les guerres planent à l'horizon elle en accuse le coup également. Mais, alors qu'en Europe la crise boursière dure pendant toutes les guerres et jusqu'à la fin de celles-ci, en Amérique la spéculation capitaliste relève la tête d'autant plus que la guerre se déchaîne.

Nous voyons ainsi que l'indice des profits, tant bruts que nets, quand les guerres mondiales se déchaînent, grimpe allègrement. Une seule chose le fait s'écrouler, et c'est la véritable crise de surproduction dont l'exemple classique reste la crise de 1929-1933.

Nous avons déjà énoncé ce que l'on peut dire dans la récession actuelle des titres cotés et des profits. Ni l'un ni l'autre de ces deux indices ne montrent que le grand capitalisme ne se sent menacé de ruine.

Nous possédons un indice des titres cotés en bourse depuis 1870, il était alors de 38,5. Dans les moments de calme nous le voyons monter à 82 en 1916, avec quelque hésitation au début de la guerre. Il descend en 1918, monte en 1919, puis se ressent de la crise de 1921 avec 58,8. De là il monte progressivement, en marquant la victoire et l'euphorie du capitalisme américain, jusqu'à 1929, date à laquelle il est à 209. Nous avons déjà illustré le drame de la grande crise : 51,2 en 1932 ! Les stocks des actions dans les mains des rentiers sont tombés à un quart de ce qu'ils étaient. La remontée est dure, et avant la guerre, en 1937 (autre année de crise) on monte à seulement 117,5. La guerre en cours détermine immédiatement une baisse de la cotation jusqu'au minimum de 60 en 1942. Une telle chute n'a cependant pas la violence de celle de 1932 ; elle en est seulement la moitié, et elle sera payée par l’après-guerre triomphal et euphorique lors duquel la spéculation américaine saccage le monde. En 1945 nous atteignons 121,5, nous revenons pour un moment à la même cote lors de la petite crise de 1949, mais ensuite on remonte vertigineusement jusqu'aux 344,8 de 1956. On sait que, en 1957, il y a eu un repli, mais de court instant : 331,4.

Dans les premiers mois de 1958, cependant, la bourse américaine a de nouveau montré une bonne confiance en les tournures que prend le business : 304,7, 304,0, 310,8 (après le minimum de 298,5 en décembre 1957) et en ces derniers mois la cote est encore en train de monter avec une continuité suffisante.

LES AVENTURES DES PROFITS

Nous nous sommes également étendus sur ce problème dans les derniers numéros du compte rendu (9 et 10 de 1958) , tout particulièrement sur la chute et l'inversion de signe de la grande crise dans laquelle les profits (au moins ceux relevés par la statistique officielle) se convertirent en perte. Ici nous cherchons seulement à nous relier aux années précédentes.

La masse des profits capitalistes américains en milliards de dollars semble avoir été de 2,3 en 1910 alors qu'elle a été de 20,7 en 1957, donc toujours à peu près le décuple en dollars courants. Il s'agit cependant des profits nets et l’on doit tenir compte que la taxation a cru fortement avec la première guerre et plus encore avec la seconde, ce qui fait que le rapport d'augmentation des profits bruts, si l’on pouvait le calculer, serait beaucoup plus élevé. Passer une partie de la plus-value réalisée dans la production de l'entreprise patronale à l'État signifie, pour nous marxistes, la laisser toujours aux mains de la bourgeoisie et donc la soustraire aux travailleurs.

En 1914, les profits nets marquèrent un minimum, avec 1,9 milliard. Mais voici l'effet de la guerre dans les années suivantes : 2,9, 5,3, 6,1, 3,9, 5,7, jusqu'à 1919. Puisque cependant la taxation des surprofits de guerre commença à partir de ce moment, il sera bon de donner les chiffres des profits bruts que nous avons (avec quelques incertitudes pour la liaison avec les années précédentes) depuis 1916. En milliards de dollars : 8,8, 10,7, 8,4, 9,4, 7,9. Tel est le profit brut de 1920 duquel il ne resta que 3,9 milliards après le prélèvement des taxes.

Jusqu'à 1929, les profits se fixèrent aux alentours de 10 milliards bruts. Mais étant donné que ce sont désormais des profits " de paix ", la taxation diminue et il reste aux entreprises 8,4 milliards de profit net. Ne rappelons pas la description de la crise que nous avons déjà faite et répétée. A la veille de la nouvelle guerre les profits bruts sont remontés de leur anéantissement jusqu'à 6,3 milliards (avec 4,7 de profits nets) en 1937. L'année suivante ils tombent à 3,3 et 2,3. Mais la guerre arrive et c'est alors une chance extraordinaire pour l'industrie bourgeoise. En 1942, on a un profit brut énorme, inouï, de 17,2 milliards sur lequel le fisc fait main basse en le réduisant à 9,4 de profit net.

En d'autres termes, en 1942, le profit net est réduit à un peu plus de la moitié du profit brut (55 pour cent) , alors qu'en 1929, en temps de paix, quand l'étatisme économique n'était pas encore développé, il était de 84 pour cent !

En 1943 les profits bruts se montent encore à 24,5 milliards, mais le fisc contient le profit net à seulement 10,4, moins de la moitié (42 pour cent) . La légère crise de 1944 provoque une certaine baisse : brut 19,7, net 8,9, égal à 45 pour cent. Mais elle est suivie d'une puissante reprise des affaires et en 1948 les chiffres atteignent un nouveau sommet : brut 32,8 qui, en temps de paix, est moins ponctionné par le fisc, en laissant le profit net à 20,3 milliards, égal à 60 pour cent.

La fameuse petite crise de 1949 : 26,2 et 15,8 ; le profit net est de 64 pour cent. Guerre en Corée et nouvelle ascension du profit en 1951 à 41,2 pour le brut et 18,7 pour le net freiné à 45 pour cent. Le profit brut de 1953 redescend un peu à 38,3, avec un profit net de 17. Celui-ci resta constant en 1954 alors que le profit brut descend encore à 34, la taxation l'équilibrant à la moitié du total. Depuis lors on a eu la grande ascension au maximum connu jusqu'ici du brut à 42 en 1955, contre 20,9 de net. De 1956 à 1957, comme nous avons eu l'occasion de l'illustrer, nous savons que le chiffre du profit net (après les taxes) des entreprises industrielles américaines est monté à 21,5 et 21,7 milliards de dollars.

Le premier trimestre de 1958 marquera probablement une diminution, mais peu importante.

LE CHIFFRE DES VENTES

Des dizaines de fois nous avons montré que c'est ce chiffre annuel qui donne la mesure de la puissance capitaliste et non pas celui de la valeur des installations fixes, valeur réelle ou valeur déclarée dans les bilans de l'activité patrimoniale. De même que n'a pas d'intérêt pour nous le chiffre du capital actionnaire, tant nominal que celui recalculé aux cours de la bourse. Dans l'exposition il fut rappelé comment, à Turin également, nous avions développé de tels points en prenant la FIAT en exemple, parce que, comme il ressort des déclarations du professeur Valetta, elle n'a pas réussi à suivre le Plan Quinquennal que nous avions formé pour elle, entre 1956 et 1957, n'a pas augmenté de 11 pour cent, mais seulement de 5 pour cent ou un peu plus. Mais mêmes les rythmes russes qui étaient notre pierre de touche se sont dégonflés.

Nous avons la donnée des sales ou ventes des produits industriels depuis 1916 où elle s'éleva à 32 milliards. En 1954, elle fut de 508, c'est-à-dire qu'en 38 ans elle a été multipliée par 16, toujours en dollars courants.

Cette série se présente en général de façon croissante. De 1916 à 1920 la première guerre mondiale la fait bondir de 32 à 94 ! La crise de 1921 la déprime à 60, mais la reprise formidable la porte en 1929 à 139 milliards. Naturellement il s'agit d'une de ces données que la crise de surproduction attaque directement par la chute de la production et des prix de gros ; les ventes en 1932 sont tombées à la moitié de ce qu'elles étaient précédemment : 69 milliards. Mais ici l'habituelle nouvelle ascension recommence : en 1937 ce sont déjà 129 milliards que la menace d'une nouvelle crise fait descendre l'année suivante à 109. Désormais nous connaissons bien la suite : la guerre sauve tout bruyamment avec une hausse diabolique : les ventes de 1944 s'élèveront à 246 milliards de dollars, presque le double de 1929 et de 1937 !

Les oscillations ultérieures ne freineront plus cette marche telle qu'elle ressort des chiffres : 1947 : 348 milliards ; 1949 : 370 ; 1954 (nous manquons d'autres données) 508 milliards, quatre fois le chiffre de 1937.

LE TAUX DE PROFIT

Les lecteurs se rappellent comment dans le Dialogue avec Staline nous dénonçâmes le dilettantisme doctrinal de ce dernier qui annonçait que les deux guerres avaient aboli la loi marxiste de la baisse du taux de profit en la remplaçant par celle de la recherche du profit maximum. Il fut facile de prouver que la masse du profit peut croître énormément alors que son taux ou ratio descend. Le taux de profit est, pour Marx et pour nous, le rapport du profit total en un cycle (annuel) au produit total (chiffre d'affaires annuel) .

En disposant des colonnes des ventes et de celles du profit, exprimées toutes les deux année par année en dollars courants, il nous a été facile de former les colonnes du taux de profit, en se référant tant au profit brut (before taxes) qu'au profit net (after taxes) .

Les deux colonnes du tableau partent de 1916 et arrivent à 1954 ; elles concluent toutes les deux en confirmant la loi de Marx. Le taux brut était en 1916 de 27,4 pour cent, (!) et en 1954 seulement de 6,7 pour cent ; alors que le taux net, plus bas, part de 16,5 et arrive à 3,4. Comme nous le savons la masse de profit pendant la même durée a été multipliée par dix ; ceci suffit à prouver avec quelle désinvolture le généralissime-caporal Staline maniait la théorie économique. Mais il y a plus, et c’est pire encore. Ce sont justement les deux guerres impérialistes qui ont puissamment écrasé le chiffre du taux de profit, comme on devra le montrer ici en détail, loin d'instaurer la prétendue loi de la hausse du profit ! De 1916 à 1930 comme conséquence de l'exploitation américaine à fond de la première guerre nous voyons les deux taux, le brut et le net, faire ces baisses : de 27,4 à 5,4 et de 16,5 à 4,1. Dans la prospère année 1929 ils montent un peu à 7,1 et 6,0, bien loin des valeurs d'avant-guerre. La crise les rend négatifs en 1932 et la reprise en 1937 les reporte à 4,8 et 3,6. Grâce aux événements habituels bien connus que nous ne rappelons pas le taux brut a une impulsion après la seconde guerre mondiale et atteint dans l'année 1943, fébrile en armements, 10,6, mais l'effet fiscal suffit à rendre quasi régulière la courbe du taux de profit net qui vient à s'accorder totalement avec la prévision de Marx. De 1940 à 1954, en sautant les années dans lesquelles le sens de variation ne change pas, la succession est claire : 4,8, 4,5, 4,0, 4,3, 5,1, 3,7, 3,2, 3,2, 3,4.

On pourra démontrer que ceci est un exemple classique de la validité pour le capitalisme impérialiste des lois découvertes par Marx dans le capitalisme concurrentiel d'avant 1870. Le mécanisme fondamental de la forme capitaliste est celui-ci et il est un, il a été découvert et théorisé dans le même tournant historique.

APERÇU SUR LA QUESTION AGRAIRE

Il ne s'agit que d'un aperçu qui sera développé en son temps dans le compte rendu diffusé qui était déjà arrivé à ce thème avant la réunion (n°10) .

Dans ce même numéro nous avons mis en évidence la lenteur du mouvement de l'indice de la production agricole surtout par rapport à la production industrielle. De 98 en 1910 on passe à 181 en 1955 ; cette donnée n'est pas influencée par la perte de valeur de la monnaie, mais il suffit de considérer la population, comme nous le fîmes déjà, pour réduire la multiplication apparente par deux à une quasi stabilité à un même niveau. Il y avait, en 1910, 92 millions d'habitants, aujourd'hui ils sont 173.

On forma à la réunion une dernière mais significative colonne de chiffres qui exprime le rapport du revenu agricole au revenu total. Déjà en 1916 un tel rapport était descendu très bas : 12,7 pour cent. Mais aujourd'hui il est à peine de 3,5 pour cent, à peu près le quart.

Une telle baisse peut être considérée comme continue et non invertie par des guerres ou par des crises économiques. De 1929 à 1932 l'indice descendit de 7,1 à 3,8 pour remonter en 1936 à 6,9. Il tombe en 1940 à 4,7, il y eut une reprise en 1943 et en 1947 avec 7,3 et 9,1. Depuis lors le cours défavorable de la production agricole américaine, combattu vainement par les mesures gouvernementales dont nous nous occuperons, n'a pas pu s'arrêter et les chiffres de la population rurale, totale et active, concordent avec ce résultat.

BRÈVE CONCLUSION

Nous n'avons pu donner ici qu'une chronique plutôt froide de ce qui fut peut-être plus évident dans l'exposition faite à l'aide des tableaux et des diagrammes montrés aux auditeurs. Bien que ce matériel lui-même ne fût ni complet, ni parfaitement sélectionné, nous avons maintenant dû en donner une trace écrite dans la seule forme valable en l'absence d'une reproduction imprimée possible de ces vastes travaux et nous l'avons fait en comptant sur la diligence de nos lecteurs.

Dans les brefs aperçus critiques nous n'avons pas pu donner une théorie marxiste des crises, dans leurs causes, leurs cours et dans les perspectives futures. Mais du point de vue de l'appréciation de leurs symptômes il nous semble être arrivés à certains résultats.

Les phénomènes saillants d'une crise dans le sens classique sont indubitablement en premier lieu la baisse de la production et le chômage des travailleurs. Mais l’on doit ajouter à ce tableau celui de la chute des prix de production (prix de gros) , même si l'on n’aura peut-être pas dans l'avenir une chute correspondante des prix de consommation.

Les faits fondamentaux qui doivent précéder la crise sont l'anarchie des cotations en bourse (malgré toutes les contre-mesures étatiques) , la chute des profits du capital et la faillite des entreprises, des petites d'abord, et également des grandes ensuite. La classe prolétarienne et son parti seront à la hauteur de la situation si, avant tout, dans le jugement de la situation objective ils considèrent comme un événement favorable le désastre qui frappera les capitalistes sans se soucier du fait qu'il sera la cause de leur mise au chômage et également de la chute de leurs salaires. Leur tâche ne sera pas de défendre le bilan des entreprises, de l'économie nationale et de la finance de l'État mais de faire couler à pic ces fortifications de l'exploitation.

Source Il programma comunista, nn. 12 et 13 / 1958.
Author Amadeo Bordiga
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